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Histoire d’une expression. D’évidence, il importe de bien choisir ses mots quand on parle de la mort. C’est sûrement pourquoi, parallèlement aux diverses concertations menées entre 2022 et 2023 en vue d’une modification de la législation sur la fin de vie, un groupe d’experts, mené par l’écrivain Erik Orsenna, s’était vu confier une mission spécifique par l’exécutif : concevoir un lexique des mots de la fin de vie, dans l’espoir de définir des termes parfois flous et de déminer un sujet sensible.
Si ce glossaire n’a finalement jamais été publié, le choix d’Emmanuel Macron d’annoncer un projet de loi prévoyant le recours à une « aide à mourir » montre que le président a longuement réfléchi à la façon de cadrer le débat politique et médiatique à venir.
En effet, pourquoi avoir retenu ce vocable afin de désigner la possibilité pour les patients majeurs atteints d’une maladie incurable, dont le pronostic vital est engagé à courte ou moyenne échéance, de demander qu’un terme soit mis à leur souffrance ? Le choix ne manquait pourtant pas : « euthanasie », « suicide assisté », « assistance au suicide », ou même les variantes « aide active à mourir » et « aide médicale à mourir », les formulations sont aussi nombreuses que les positions sur le sujet. « Parce qu’il est simple et humain, a répondu Emmanuel Macron à Libération et à La Croix, et qu’il définit bien ce dont il s’agit. » En ce qui concerne ce dernier point, il est pourtant permis de douter.
Historiquement, l’expression « aide à mourir » est précisément appréciée pour son ambiguïté. « C’est une formule que l’on voit apparaître dans les sondages réalisés par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité [ADMD] dans les années 1980-1990 », note Michel Castra, professeur de sociologie à l’université de Lille. Alors qu’à cette époque la polémique autour de la fin de vie bat (déjà) son plein, l’ADMD cherche à démontrer le vaste soutien des Français à l’euthanasie, au suicide assisté et au droit de choisir sa mort. Dans le contexte de ces questionnaires, l’expression « aide à mourir », qui ne précise ni l’auteur, ni la nature, ni les modalités de l’« aide » apportée, s’avère, selon lui, fort utile. « Cela a permis à l’ADMD de dire que 85 % des Français étaient favorables, si la personne se trouvait dans une souffrance insurmontable due à une maladie incurable, à ce qu’elle puisse être aidée à mourir à sa demande », poursuit le sociologue.
Cette imprécision a d’ailleurs permis à l’expression d’être reprise… par les opposants à ces pratiques. Dans un compte rendu de congrès, publié en 2004, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), une institution historiquement opposée à l’euthanasie et au suicide assisté, demandait ainsi : « Aider à mourir, n’est-ce pas d’abord prendre soin et accompagner ? » Vingt ans plus tard, dans une tribune au « Monde », Claire Fourcade, directrice de la SFAP, voit même dans l’aide à mourir « la véritable mission des soins palliatifs ». « L’expression euphémise considérablement la réalité qu’elle désigne, et peut donc désigner des choses diamétralement opposées », explique M. Castra.
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